La Cour de cassation a organisé, ce mercredi 15 octobre 2025, au Palais du Peuple, son audience solennelle marquant la rentrée judiciaire pour l’exercice 2025-2026. La cérémonie s’est tenue en présence du président de la République et magistrat suprême, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Dans son allocution, le premier président de la haute juridiction, Ndomba Kabeya Élie-Léon, a centré son intervention sur le thème : « Le rôle de l’avocat dans la construction de l’État de droit ». Il a rappelé la noblesse de cette profession et sa mission essentielle dans la bonne administration de la justice avant de déplorer les dérives observées chez certains praticiens du droit.
Quand l’avocat devient acteur de la corruption
« L’avocat, censé être le pilier de la justice et le défenseur des droits fondamentaux, se trouve parfois au cœur de pratiques déshonorantes qui discréditent la profession », a déclaré le premier président.
Il a dénoncé les comportements contraires à la déontologie : « Il est inacceptable d’entendre un avocat conseiller à son client de corrompre le juge en lui disant : “J’ai fait ma part, fais la tienne en allant voir le juge” », a-t-il fustigé.
Selon lui, de tels agissements transforment le processus judiciaire en une simple transaction occulte. Le professeur Ndomba a également mis en garde contre la tendance de certains avocats à s’entendre dès le départ avec des greffiers, pris comme relais entre les juges et les parties, au mépris de toute éthique professionnelle.
Ces pratiques, a-t-il expliqué, compromettent l’impartialité de la justice et violent les principes de la publicité des débats et de l’égalité des armes. Souvent, ces manœuvres s’accompagnent de pressions financières sur les clients, à qui l’on fait croire qu’aucune issue favorable n’est possible sans verser des sommes considérables.
Une atteinte grave à l’intégrité du système judiciaire
Le professeur Ndomba Kabeya a par ailleurs décrit une corruption de plus en plus sophistiquée :
« L’intégrité du système judiciaire est gravement compromise lorsque certains avocats entretiennent des contacts directs et réguliers avec les juges, allant parfois jusqu’à rédiger eux-mêmes des projets de décisions que des magistrats corrompus se contentent d’entériner », a-t-il dénoncé.
Il a jugé encore plus déplorable le cas des avocats qui trahissent leurs propres clients en fournissant des arguments à la partie adverse, souvent plus fortunée, en échange d’avantages matériels.
Le fléau des spoliations immobilières
Abordant un autre aspect préoccupant, le premier président a dénoncé l’implication de certains avocats dans des réseaux de spoliation des biens immobiliers de l’État et des particuliers :
« Plusieurs avocats participent activement à une entreprise criminelle appelée Folio, visant la spoliation d’immeubles avec la complicité de magistrats, greffiers et huissiers véreux », a-t-il indiqué.
Il a averti que si rien n’est fait, ce système pourrait même s’étendre à certains élus du peuple, déjà approchés pour servir de relais politiques.
Des “moyens non communicables” à la déontologie oubliée
Le premier président Ndomba Kabeya a également dénoncé les sommes d’argent sollicitées ou reçues par certains avocats sous le couvert de « moyens non communicables entre parties », destinés en réalité à corrompre les juges.
Rappelant les obligations déontologiques, il a évoqué l’article 78 de l’ordonnance-loi n°79-025 du 28 septembre 1979, selon lequel tout avocat exerçant ponctuellement en dehors du ressort de son barreau doit être muni d’une attestation signée par son bâtonnier et la présenter à celui du barreau d’accueil avant toute intervention.
Pour une réforme du monopole en cassation
En conclusion, le premier président a invité le Parlement à revoir les dispositions qui réservent la représentation des parties en cassation uniquement aux avocats du barreau près la Cour suprême de justice. Il a estimé que cette exclusivité crée une inégalité entre les membres du barreau et mérite d’être réexaminée.