Dans le Grand-Nord-Kivu, des jeunes filles disent éprouver des difficultés d’émerger dans leur carrière d’artistes musiciennes , entre autres « le manque de sponsor, l’ harcèlement et les stéréotypes », un triple défi qui freine la carrière musicale des jeunes filles à Butembo.
Certaines qui se sont confiées à RTNC.CD, affirment faire face au défi de manque de sponsoring, et celles qui en trouvent, évoquent des cas de harcèlement sexuel de la part de certains producteurs ou promoteurs pervers ou de stéréotypes dans cette société où la musique moderne est considérée comme activité réservée aux gens de mœurs légères.
C’est le cas Ortacia Rukendo qui, depuis 2020 pratique une carrière solo en Gospel en ville de Butembo. En quatre ans, la jeune artiste a réussi à produire 10 chansons qui font la côte.
Mais depuis, elle peine à réaliser des vidéos faute de moyens. Ortacia toque à plusieurs portes pour trouver des sponsors mais tombent malheureusement sur des producteurs ou promoteurs pervers.
«J’ai souvent eu la chance d’être approchée par quelques producteurs intéressés par mon talent musical, et qui proposent de me soutenir. Mais quand ils remarquent que je n’ai pas les moyens de financer seul le tournage, ils m’exigent de faveurs sexuelles en cours du travail. D’autres encore me laissent filmer, en revanche pour me livrer le produit fini, ils conditionnent cela par le sexe. Cela m’est arrivé à plusieurs reprises. J’ai déjà filmé plusieurs fois, mais je n’ai jamais eu même une vidéo réalisée», se plaint -t-elle.
Elle dénonce des cas de harcèlements sexuels dont face des jeunes artistes musiciennes de la part des producteurs pervers dans une région où la musique manque des mécènes.
«Un autre m’avait même proposé d’aller me faire produire à l’étranger. Mais il avait conditionné cette opportunité par des avances sexuelles. Ce que j’ai refusé pour garder ma dignité, surtout que je chante pour l’éternelle », révèle cette chanteuse du gospel.
Outre les promoteurs pervers, le vedettariat des musiciennes les attire les dragues en cascades des mélomanes spectateurs des évènements culturels, témoigne pour sa part, Kasivirehi Naomie mieux connue sous le nom de scène de Alia Kas Naomie, une étoile montante de la Rapp bubolaise (adjectif dérivant de Butembo).
«Je suis une jeune demoiselle qui s’en sort pas mal, cette célébrité m’attire beaucoup de dragues, plusieurs hommes courent derrière moi et c’est pas facile mais je valorise ma personnalité. Les respects de mes principes me permettent de ne pas tomber dans les anti valeurs», témoigne Alia Kas Naomie, l’artiste qui a chanté « Épuisé » en featiring avec Gloria Bash l’artiste musicienne de Goma.
Les stéréotypes comme autre obstacle
Il n’y a pas que le défi de harcèlement sexuel qui freine l’émergence des jeunes artistes musiciennes. Elles affirment faire face également à des stéréotypes dans leur environnement, une société où la musique moderne est encore considérée comme activité réservée aux gens de mœurs légères.
La jeune rappeuse étudiante en première année ( L1 LMD) de la Communication à l’Université de l’Assomption au Congo UAC Butembo, accuse par ailleurs, la mauvaise perception par la société d’une musicienne, freinant par moment le développement des artistes féminins.
Alia Kas témoigne qu’au début de sa carrière, elle a même été rejetée par sa propre famille, craignant pour son avenir dans un « domaine des gens de mœurs légères ».
«Comme je l’ai chanté dans ma chanson « destinée », mon début n’a pas été facile. Tout le monde presque n’était pas d’accord que j’embrasse cette carrière musicale dans mon entourage. Ils ont cru que j’allais devenir une fille de mœurs légères», révèle-t-elle.
Freddy Mtoto, manager et promoteur de plusieurs artistes musiciens de Butembo reconnaît ces difficultés qu’endurent des jeunes filles artistes musiciennes du Grand-Nord-Kivu.
Il témoigne avoir même rencontré pendant son travail une chanteuse qui a jugé mieux de mettre fin à ses ambitions musicales pour avoir été soumise à l’épreuve d’être couchée pendant qu’elle sollicitait le sponsoring.
« En tant que consultant en production et promotion d’artistes, je conseille aux jeunes artistes de mieux s’organiser pour contourner ces défis qui ne sont pas endogènes » a-t-il dit.
Pour sa part , Maître Magguy Panza cadre de l’association sans but lucratif Femmes Juristes pour la défense des Droits de la Femme et de l’enfant , encourage ces jeunes femmes qui s’en donnent aux activités culturelles en solo.
Cependant, elle reconnaît le défi pour ces dames d’être dépourvues de moyens financiers. Cette femme militante pour les droits féminins plaide pour le changement de mentalité des mécènes locaux à l’égard des musiciennes.
Magguy Panza souligne la nécessité des musiciennes de conserver leur dignité.